Le constat est largement partagé : l’audiovisuel public français connait aujourd’hui des difficultés économiques et peine à évoluer face aux nouveaux usages et modes de consommation des publics. La plupart des professionnels du secteur, ainsi que des rapports qui font autorité, ont pointé :
-une offre globale morcelée, insuffisamment lisible, selon les termes même du rapport du sénat,
-une gouvernance problématique et inadaptée aux défis d’aujourd’hui et de demain,
-sa fragilité économique.
1-Une offre globale insuffisamment lisible, dans un monde en pleine révolution numérique
Selon les termes du rapport du sénat sur le financement de l’audiovisuel public, « la qualité globale des contenus et programmes de l’audiovisuel ne saurait être contestée, mais ce qui est en jeu, c’est son identité même, sa capacité à innover, à surprendre et à se remettre en question » dans un monde en pleine révolution numérique : quid des nouveaux contenus, des nouveaux publics, et de la désaffection des publics traditionnels ?
La production de fiction télévisée, quant à elle, « est jugée peu audacieuse, en dépit de sa bonne qualité générale, et pas assez adaptée à l’exportation » (ce qui prive par ailleurs France Télévisions de ressources propres).
Enfin, dans un monde plus instable que jamais, et dans lequel les réseaux sociaux occupent une place croissante, l’audiovisuel public doit, plus que jamais, incarner les valeurs de pluralisme, faire vivre le débat démocratique, et s’attacher à développer rigueur et impartialité dans le traitement de l’information.
2-Une gouvernance problématique
Le mode de gouvernance de l’audiovisuel public est unanimement contesté, à plusieurs titres : absence de transparence dans la désignation de ses dirigeants, multiplicité des tutelles, absence de directives claires lorsqu’elles ne sont pas contradictoires, inflation de rapports sans suite, de documents de contrôle et de reporting.
3-Un modèle économique fragilisé
La CAP, dont le produit est toujours basé sur la détention d’un récepteur de télévision, n’est à l’évidence plus adaptée aux usages et aux évolutions technologiques. Les ressources propres de l’audiovisuel public sont, quant à elles, insuffisantes au regard des investissements et des moyens engagés. Enfin, l’incapacité des sociétés de l’audiovisuel à se réformer, en tout cas aux rythmes exigés par l’évolution des usages et des contenus, est également une des causes de sous-financement chronique du secteur.
QUELS REMEDES ?
10 propositions ambitieuses
Une offre rénovée
1-Mettre en place un comité de préfiguration composé de professionnels, chargé de faire des préconisations et de redéfinir le périmètre et les missions de l’audiovisuel à l’ère du numérique, dans un monde instable.
2-L’audiovisuel public doit être leader en matière d’offre numérique et de réactivité face aux nouveaux usages.
3-L’audiovisuel public doit disposer des moyens de mettre en œuvre une production de fiction audacieuse et adaptée à l’exportation.
Une nouvelle gouvernance et de nouvelles relations avec la tutelle
4–Créer un conseil, sur le modèle du BBC trust, afin de garantir enfin l’indépendance et la stabilité de l’audiovisuel public, comprenant un seul représentant de l’Etat actionnaire, et un nombre accru de personnalités qualifiées.
5–Créer un nouveau socle commun de critères objectifs d’activité et de performance, réformer, unifier et simplifier les outils de contrôle et de reporting, clarifier l’architecture des dispositifs réglementaires et les missions de l’audiovisuel public, enrichir et renforcer les contenus budgétaires et financiers du Contrat d’objectifs et de moyens.
Un modèle économique consolidé
6–Mettre en place une nouvelle CAP (contribution à l’audiovisuel public) selon le principe de la neutralité technologique et fiscale, comme en Allemagne.
7–Développer une politique volontariste de ressources propres, sur le modèle de BBC Worlwide, tout en maintenant un volume raisonnable de publicité, nécessaire à l’équilibre financier.
8–Mettre en place de véritables réformes, en particulier à travers une politique de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, afin de diminuer le poids de la masse salariale et de recréer les marges nécessaires à une politique d’investissement et de programme ambitieuse.
9–Procéder à une refonte complète de l’INA, avec une activité réduite à la conservation des archives. Les activités de formation professionnelle et de commercialisation seront, quant à elles, réintégrées au cœur des sociétés de programme de l’audiovisuel public, afin qu’elles puissent développer une politique de ressources humaines plus opérationnelle (formation et redéploiements en faveur des nouveaux métiers) et l’intégrer à une politique ambitieuse de commercialisation des programmes.
10-Une fois ces réformes abouties, et si les conditions sont réunies, procéder à la constitution d’un grand groupe audiovisuel public, regroupant France TV, Radio France et France Médias Monde.