Par Gilles Marchand
Nous sommes actuellement en train d’assister à la destruction d’un immense patrimoine culturel et à une fuite des cerveaux dans le domaine des métiers du cinéma, notamment en ce qui concerne les métiers artisanaux et d’artisanat d’art qui s’y rattachent. Pourtant des solutions existent…
Des savoirs faire ancestraux comme la réalisation des costumes, des décors, des activités souvent proches de la haute-couture comme celles des plumassiers, ou des bottiers, des maroquiniers, se perdent. Or, les solutions existent et pourraient être mises en œuvre, même si elles sont souvent peu connues des acteurs politiques du domaine.
Il arrive assez souvent que connaître les différents types de financements disponibles est mal compris et finalement négligé au détriment des régions et des jeunes qui y ont droit : on peut citer plus généralement les fonds européens structurels et d’investissement, tels le FEDER, le FSE, le FEADER, le FEAMP et les programmes sectoriels comme LIFE ou Horizon 2020. Pour ce qui concerne spécifiquement la Formation aux Métiers du Cinéma, c’est une somme de 500 millions d’euros qui est ainsi perdue par faute de demandes faites en conformité avec les critères requis par les institutions européennes.
Un drame invisible. Au nom de la rentabilité financière de grosses productions sont « externalisées » et tournées dans les pays de l’est, notamment, en Roumanie. Ce qui provoque également la migration des métiers qui s’y rattachent. Dans de très nombreuses disciplines, les chefs de poste sont débauchés pour être accueillis selon des conditions meilleures et garanties à toute épreuve. Moyennant quoi, des savoirs faire se perdent, et ne reviennent plus sur le territoire national. C’est tout l’équilibre de notre secteur cinématographique qui est ainsi mis en péril à long terme pour des considérations myopes de court terme.
Or, cette formation aux métiers du cinéma pourrait et devrait revenir dans le giron français, si nous savions faire en sorte de porter les projets qui se préparent en dépit des difficultés rencontrées. A Cherbourg, l’ancien Hôpital Militaire de la ville est pressenti pour créer un Musée du Cinéma qui serait adossé à une école des métiers du Cinéma. Des amphithéâtres, des auditoriums et des studios ont déjà été aménagés et l’hôpital peut accueillir des centaines de résidents. Un projet qui a été mis en jachère suite à la nomination de Bernard Cazeneuve qui le portait en tant que Premier Ministre, au moment où le projet aurait du voir le jour. Une femme, Nathalie Hubert, l’a à présent repris avec La Fabrique des Images, pour qu’il aboutisse à une reconnaissance nationale. Elle défend cette idée aussi bien en raison du passé que de l’avenir de la discipline. C’est en France que le cinéma a été inventé. Et c’est à l’UNESCO qu’il sera défendu, dans le cadre d’une demande d’inscription des Métiers du Cinéma au Patrimoine mondial immatériel de l’Humanité.
Les planètes s’alignent, mais il manque encore à cette importante initiative un imprimatur officiel qui en ferait une réalité. D’autres centres défendent cette initiative, hormis les écoles consacrées du domaine, c’est le cas du Fresnoy d’Alain Fleischer qui pourrait en outre bénéficier d’une extension de ses capacités d’accueil grâce à Cherbourg et à l’Abbaye de Saint-Gilles qui pourrait offrir des résidences à 675 créateurs. Toutes ces imprégnations culturelles pourraient permettre un sursaut et une résurgence de ces métiers qui ont en outre souffert de l’irruption du COVID dans nos vies. Ils sont une composante essentielle de la capacité au rayonnement de la culture française et un élément important en terme de Soft Power français et européen. La capacité pour le cinéma de rester constamment vivant et d’accueillir tous les cinémas mondiaux, notamment ceux qui sont menacés pour des raisons politiques ou autres. C’est donc là un enjeu primordial qui doit être mieux compris et mieux défendu. Il conditionne toutes sortes d’autres domaines afférents ; comme une pierre de faite il soutient bien au delà de lui-même des quantités d’acteurs clefs de la transformation symbolique à l’œuvre.
